Compétences orthophoniques en danger : ça se rapproche de nous...

Bonjour à tous.

Sur la liste Orthophonie-Quebec, un cri d'alarme est poussé face à un certain "Projet de loi N°21" rapportant l'élargissement des catégories de professionnels (notamment les psychologues) pouvant établir les diagnostics des troubles des apprentissages, dont celui de la dyslexie. Je ne peux éditer ici le message sans l'autorisation de son auteur mais je vous indique deux liens, accessibles à tout le monde :

Lien 1 : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Lien 2 : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Cela ne se passe pas en France diront certains ; précisons simplement : cela ne se passe pas encore en France... Bonne lecture.

Je ne comprends pas l’intérêt de donner la possibilité de diagnostic à plusieurs professions. Ça ne fait qu'entretenir une certaine confusion chez les parents et les patients. L'orthophoniste sera de toute façon le rééducateur de la pathologie, alors pourquoi quelqu'un d'autre devrait effectuer le diagnostic?
Que d'autres professionnels soient formés sur les signes d'alerte, ça me parait plus que sensé. Mais qu'ils puissent poser le diagnostic...

Je ne suis pas sûre que tu aurais du nous souhaiter "bonne lecture" Alain

Ce que je trouve le plus inquiétant c'est que les psychologues ne sont pas formés pour effectuer ce diagnostic; on peut imaginer facilement les conséquences...
Dans le même ordre d'idée, une neuropsy s'est installée près de chez moi et fait une publicité ++++ pour ses séances de remédiation (elle ne parle pas de rééducation). Elle annonce prendre en charge les dyscalculies, troubles attentionnels, troubles mnésiques, retard de développement... et j'en passe. Ses affichettes fleurissent dans les pharmacies, chez les toubibs etc....

z'ont droit de faire de la pub les neuropsys...

Oui, ils/elles peuvent, puisqu'elles ne sont pas conventionnées .

Petit anecdote d'aujourd'hui : un patient aphasique, la neurospy signale un trouble de la compréhension massif en dénomination au DO 80 ( n'a rien pu dénommer, manque du mot +++, trouble de la compréhension important). On passerait sur l'intérêt de faire un test de dénomination isolé, qui plus est pas le plus court ni plus simple,sans tester la compréhension/expression orale et écrite...

On sort le MT 86 : performance tout à fait normale.

Motif : le patient ne connaissait pas (plus ?) la signification du mot 'dénommer' et '(sic)pis elle parlait et allait beaucoup trop vite, j'y comprenais rien'.

(soupirs)

ça fait aussi des bilans d'aphasie les neuropsy ???

En aphasiologie, ils peuvent mais ne rééduquent pratiquement jamais, de ma petite expérience en tout cas.

Plusieurs raisons à cela :
- Ils n'ont pas de décret de compétence.
- Les orthophonistes le font déjà très bien !
- Pas de nomenclature donc rééducation très chère en cabinet de ville.
- Pour les centres, embaucher un(e) orthophoniste coûte nettement moins cher que de prendre un neuropsychologue car ils sont payés niveau master. Cela mène à des dérives importantes par endroit ( cf. un centre de rééducation lillois où les orthophonistes font le boulot des neuropsychologues).

Les mauvaises langues diront que les neuropsychologues ne sont bons qu'à faire des bilans. Pour bien en connaître une, leurs bilans sont effectivement bien costauds et fouillés ( pour les adultes comme pour les enfants). Elle avoue manquer cruellement d'expérience clinique en rééducation des troubles aphasiologiques. Pour tout le reste, elle est très compétente ( nettement plus que nous pour tout ce qui est héminégligence, agnosie visuelle, etc...). Ils sont aussi capables d'interpréter une IRM ou un scanner, ce que peu d'ortho maîtrisent amha.

Quand je travaillais en structure, le partage des tâches était bien délimité : la neuropsy prenait en charge les troubles dysexécutifs, mnésiques et gnosiques. L'orthophoniste s'occupait du langage et de la mémoire également (plutôt auditivo-verbale mais tant que ce n'était pas franchement redondant avec ce que la collègue proposait, pas de souci) + mise en place des moyens de communication alternatives/augmentatives au besoin.

L’allégorie de la grenouille, vous connaissez ?

Si vous plongez une grenouille (pas pour de vrai, c’est une allégorie, ne l’oubliez pas et puis vous n'êtes pas obligés de renouveller l'expérience, vous pouvez me croire sur parole) dans un chaudron d’eau bouillante, que fera-t-elle?
Elle sautera immédiatement et parviendra à sortir du chaudron avec l’énergie du désespoir.
Prenez la même grenouille et placez-la dans un chaudron d’eau à température ambiante. Que fera-t-elle? Elle restera tranquillement là à vous regarder. Maintenant, allumez le feu sous le chaudron, progressivement. Augmentez la température de quelques degrés à la fois. Que fera notre grenouille?
Rien ! Elle restera tranquillement là, s’adaptant au changement de température. Augmentez encore un peu la chaleur. La grenouille ne bougera pas. En fait, elle restera docilement dans l’eau devenue bouillante et mourra.

Cette allégorie est un classique qui illustre comment, petit à petit, on en vient à accepter une situation qui autrement serait perçue comme inacceptable, intolérable.

Ainsi, grâce à cette stratégie, nous pouvons, petit à petit, accepter et tolérer, sans nous en rendre compte notre propre perte...

PS : j'aurais pu aussi poster ça dans le forum Master...

Entendu un pédopsy ce midi sur france info qui vantait son nouveau bouquin sur les difficultés scolaires. Pour lui, on parle trop de troubles instrumentaux et on oriente trop chez les orthos.
Vaudrait mieux aller chez le psy et se préoccuper d'amour et d'image de soi.

Bon sang mais c'est bien sûr !

Chassany est bien de retour dans les formations pro orthos...plus rien ne m'étonne!

saarland

Bonsoir,
Intéressant et en effet important ce débat. Pour le Québec, précisons qu'il y a un conflit (assez ancien) entre les ordres professionnels concernés. ceci explique peut-être cela... Chez nous la situation est un peu différente. En ce qui concerne les compétences, je rappellerai simplement que la neuropsychologie est avant tout une discipline scientifique qui s'attache aux dysfonctionnements cérébraux. A ce titre, elle est forcément au carrefour de plusieurs professions (psychologues, orthophonistes, ergothérapeutes). Cela signifie donc qu'elle concerne autant les psychologues (formés en neuropsy) que les orthophonistes (formés en neuropsychologie).
Aujourd'hui, si certaines structures embauchent des psychologues au lieu d'orthos, cela tient à 2 choses amha. Tout d'abord, le salariat n'attire pas les orthos en raison du peu de reconnaissance, du salaire minable qu'il offre, du déficit de professionnels formés par rapport à la demande de soins. Et deuxièmement, la différence du niveau de formation entre les psychologues (master) et les orthophonistes (pas master) pousse certains gestionnaires à recruter les premiers en raison de leur formation plus approfondie dans ce domaine. Mais ce qui importe, c'est que nos compétences sont complémentaires. Il n'est pas raisonnable de penser pouvoir prendre en charge, en orthophonie, un patient cérébrolésé (aphasique, dément,...) sans avoir une idée précise de son fonctionnement cognitif global (attention - mémoire - fonctions exécutives....). Tout comme il n'est pas possible d'interpréter un trouble du langage, dans un bilan neuropsychologique, en faisant l'économie d'un bilan orthophonique détaillé, précis et complet pour lequel les orthophonistes doivent être formés. Cela suppose aussi de mon point de vue, que les orthophonistes aient enfin accès à un master 2 qui leur garantira la formation scientifique de haut niveau requise par cette pratique. Petite précision quant au CRF près le Lille qui a été mentionné; deux des orthos qui y exercent ont également un diplôme de psychologie, dont 1 est titulaire un master 2 en neuropsy. Il n' y a (amha) pas de concurence ou de compétition en neuropsychologie entre ortho et psy mais complémentarité.

@Saarland : j'ai aussi fait bouillir un animal allégorique (honte à moi) :
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L'eau est encore tiède, mais pas froide.

Sur le fond, je pense que notre conventionnement et notre nombre restent des atouts considérables. Dans notre ville, nous sommes 6 orthophonistes libéraux et autour de nous, il y en a 1 ou 2 par chef-lieu de canton. Aucun neuropsy à 40 km à la ronde.

Merci Saarland, de nous rappeler que nous ne devons pas nous comporter comme la grenouille de l'allégorie ....

Je suis d'accord avec vous : il ne devrait pas y avoir de concurrence entre professionnels qui ont chacun leur spécificité , et je pense que si les uns et les autres sont raisonnables, cela devrait bien se passer ....Mais évidemment il y aura toujours des personnes vénales qui tenteront de s'immiscer dans notre travail.
Je vous rappelle que les "orthopedagogues " français prennent en charge des DL ce qui, à mon avis est de l'exercice illégal de l'orthophonie . Mais personne ne les en empêche ....